La Guyane.


Carnet de route Guyane.

                        

                           Carte de la Guyane Française.



Dimanche 15 septembre 2013.

Après presque neuf heures de vol, nous survolons Cayenne. Les eaux bleues de l’Atlantique virent au café au lait des limons charriés par le fleuve Mahury, remplacé dès la côte par le vert immense de la forêt équatoriale que saignent de rouge orangé  les pistes de latérite. Un virage sur l’aile nous met dans l’axe de la piste  d’atterrissage et l’avion s’arrête devant les bâtiments de l’aéroport Félix Eboué. Dès la sortie, la chaleur nous saisit : il fait 32°C.
Patricia accueille Martine et Jacques et les logera quelques jours en attendant les véhicules. Nous serons à l’hôtel La marmotte, que nous rejoignons à bord d’une voiture de location. Dès les premiers kilomètres, la végétation luxuriante nous dépayse agréablement. Nos quartiers établis, une première soirée dans Cayenne nous permet de nous repérer, ce qui est facile dans la ville ancienne aux rues perpendiculaires. Les vieilles maisons coloniales ont un charme fou, malgré souvent un triste état de délabrement. La place des amandiers, en bord de mer est un lieu de promenade prisé des Cayennais en ce dimanche. Après l’ancien port, le quartier chinois fait un peu bidonville le long du canal : la misère règne.
Nous dinons d’un sandwich et profitons longtemps de l’animation de la place des palmistes avant de regagner l’hôtel.

Lundi 16 septembre.

Lever à 6 heures, avec le jour. Nous sommes, Jacques et moi, à 10 devant les bureaux de la Somarig, le transitaire qui sortira le container du port de Dégrad des cannes. Le CMA CGM Aristote arrivera bien mercredi, chargé de 150 containers de plus qu’à l’habitude puisqu’il n’y a pas eu de bateau la semaine dernière. Si les dockers sont de bonne composition, nous devrions récupérer les véhicules vendredi. Sinon, il faudra patienter jusqu’à lundi.
Déjeuner chez le chinois du coin, abordable, contrairement à son confrère du café de la gare qui vend ses salades 19€ : nous nous rendons compte très vite que les prix en Guyane sont plus élevés qu’en France. Une petite randonnée sur le sentier balisé de Montabo remplace avantageusement une séance de sauna et nous permet de découvrir les panoramas et la végétation de la côte.

Mardi 17 septembre.

Un copieux petit-déjeuner sous le carbet de l’hôtel nous met en forme pour la journée. Nous partons tous les quatre vers Saint Laurent du Maroni, à 260 kms de Cayenne. A Macouria, nous quittons la N1 pour une escapade à la « crique » Patate. Ici, chaque rivière est une crique. Après vingt minutes de marche, nous débouchons sur un bel endroit au bord de la crique, souillé d’ordures : l’analyse bactériologique des eaux affichée par les services de la mairie déconseille la baignade. La N1 retrouvée nous conduit jusqu’à Kourou, ville très étendue sous un soleil de plomb. Quelques vieilles maisons de bois résistent dans le quartier ancien, près de l’embarcadère. Nous faisons connaissance de quelques spécialités locales dans un petit restaurant créole, sous les ventilateurs. Des kilomètres de route presque rectiligne, bordée de part et d’autres par les hautes futées nous amènent à Iracoubo où se dresse une belle église de bois, entièrement décorée intérieurement de peintures naïves dues au talent d’un bagnard de la fin du XIX° siècle.
Après Iracoubo, la route escalade des collines boisées, semées de rares maisons de bois : un ou deux appentis, quelques arpents de terrain dégagé, on pense à l’airial landais. La jauge d’essence de la voiture  nous fait craindre une arrivée pédestre : ouf, une station à l’entrée de Saint Laurent, de justesse. La recherche d’une chambre est plus compliquée que prévue : il ne reste qu’une chambre pour quatre, dans un ensemble hôtelier de bonne tenue. Elle fera notre affaire pour deux nuits, et Farouche sera introduit dans les lieux, nuitamment, en toute illégalité : une chambre pour cinq.
« Le Toucan » installe sa terrasse devant l’hôpital et les sombres murailles du camp de la transportation : nous nous y installons pour un repas léger et des boissons fraîches. Par-delà les eaux sombres du Maroni, quelques lumières soulignent les rives du Suriname.

Mercredi 18 septembre.

Petit-déjeuner au Toucan, roboratif. Nous remettons à l’après-midi la visite du camp. Le fleuve charrie ses eaux limoneuses au pied d’un bagnard écrasé de fatigue, souvenir de bronze d’un passé honteux et caché. L’épave de l’Edith Cavell disparait sous la végétation, îlot improbable de fer et de bois.
C’est jour de marché, à Saint Laurent, et nous flânons parmi les étals colorés regorgeant de fruits et légumes inconnus, puis nous filons vers l’embouchure du Maroni, à 60kms et la plage des Hattes, après Mana, où pondent les tortues luth. De longues plages appellent au farniente sous les cocotiers, mais il n’y a personne, et la couleur de l’eau n’invite pas à la baignade. Au large, un mince cordon de sable ferme la lagune. Cette pointe extrême de la Guyane est un territoire amérindien que gèrent les deux villages de Awala et Yalimapo. Bonne gestion, probablement, si l’on en juge par le prix excessif du jus de maracudja ( fruit de la passion ) que nous buvons sous une belle maison au toit de palmes en compagnie de Cécile, une jeune et sympathique « métro », infirmière de son état et chargée d’un grand secteur en territoire indien. Elle nous explique gentiment les difficultés de son action. Sur ses conseils, nous revenons à Mana, pour un déjeuner au « Buffalo » ou nous pourrons déguster le « jamais goûté », un délicieux poisson, accommodé ici à la bahainaise. Nous sommes de retour à Saint Laurent pour la visite du camp de la transportation par lequel ont transité 70000 bagnards entre la fin du XIX° et 1953, année de sa fermeture définitive. Nous parcourrons ces locaux sinistres, presque gênés de l’intérêt que nous portons aux détails plus horribles les uns que les autres que souligne notre guide créole sur un ton malicieux.

Jeudi 19 septembre.

Nous revenons ce matin vers Kourou, pour, si possible, découvrir le centre spatial. A l’aller, nous n’avons vu aucun panneau en signaler l’existence. Nous passons par le village de Sinnamary, sur le fleuve du même nom, que nous avions évité avant-hier : la D7 nous mène jusqu’au pas de tir des fusées Soyouz, mais nous ne pouvons aller plus loin. Retour sur la N1 jusqu’à Kourou. Nous sandwichons face aux îles du Salut, de sinistre mémoire avant de trouver enfin, sous un soleil écrasant, le chemin du centre spatial. Pour pas grand-chose puisque la visite ne peut se faire que sur réservation et qu’il n’y a pas de place avant mardi prochain.
Revenus à Macouria, nous prenons la route de Monsinéry pour la visite du zoo de guyane où nous faisons la connaissance des habitants de la forêt que nous n’aurons sans doute pas la chance de rencontrer par nous-mêmes.
A Cayenne, Martine et Jacques retournent chez Patricia. Nous trouvons un hôtel abordable mais très moyen : espérons n’avoir pas à y passer une autre nuit.

Vendredi 20 septembre.

Nous sommes, Jacques et moi, dès 7h30 devant les bureaux de la Somarig. L’Aristote est encore à quai : le déchargement n’est pas terminé, mais notre container, lui, a bien été déchargé hier, à 9h47, ce que confirment successivement trois personnes, dans le même bureau. Le déchargement payé auprès de la Somarig, nous sommes invités à faire connaissance avec les gabelous locaux qui ne sont pas vraiment au fait des dispositions réglementaires en la matière. Après passage à la caisse, il nous reste à visiter les locaux de la chambre de commerce au Grand Port Maritîme, et à y laisser notre obole, en espèces sonnantes et trébuchantes ( !). Nous retournons à la Somarig munis d’une épaisse liasse de papier : pas de chance, le chauffeur habilité à sortir ce type de container vient de partir sur une autre mission. On doit nous rappeler avant quatorze heures dès le container récupéré sur le port. Nous revenons sur Cayenne rassurer nos épouses respectives. A peine nos efforts contés, on nous appelle pour nous dire que nous pouvons prendre possession de notre container. Vingt minutes après, le transport réglé, nous brisons le plomb, un peu anxieux. Nos véhicules ont subi l’aventure sans dégât et démarrent au quart de tour. On veut bien me rendre la caution versée ce matin, en échange du container dont je n’aurais, de toute façon, pas su quoi faire. Nous rendons aussi la voiture de location dans l’après-midi.
Pour nous, ce sera ce soir enfin, le premier bivouac, au pied du fort Etienne, sur la très belle route des plages.

Samedi 21 septembre.

Martine et Jacques doivent rester à Cayenne jusqu’à lundi, pour obtenir un tampon vétérinaire indispensable à la sortie de Farouche du territoire national. Après quelques courses, nous quittons Cayenne, pour nous arrêter très vite et déjeuner dans la forêt au bord d’une piste défoncée. Puis nous prenons la direction des marais de Kaw.  Passé le pont du Mahury, Roura, sur les hautes berges offre une jolie vue sur le fleuve depuis la belle église en bois et les deux charmantes maisons coloniales où se logent le presbytère : mais les journaux ont annoncé hier que la région et le département ne prendraient plus en charge dorénavant le salaire des prêtres !  Une piste de latérite serpente dans la forêt : un énorme zébu surveille ses femelles et nous regarde passer, indifférent. Un petit singe noir s’assied sur la piste, rejoint bientôt par toute une joyeuse bande : ils escaladent à toute allure le premier arbre venu et se jettent dans le vide vers les branches loin où ils se raccrochent prestement.
 Plus loin, nous laissons la voiture pour descendre sous les grands arbres vers les chutes de Fourgassié où trois ressauts offrent aux amateurs une douche vivifiante : deux jeunes filles m’invitent à les rejoindre sous la cascade, que n’ai-je pris mon maillot? La route continue vers les marais sur la crête des collines boisées laissant parfois la vue s’échapper sur la marée verte impénétrable d’où s’élève des nuages de vapeur surchauffée : l’humidité est à son comble. Nous atteignons enfin le bout de la route, au bord du canal qui coupe en deux l’immense marais qui s’étend jusqu’à la côte atlantique. Un groupe de militaires partent en barque pour une découverte nocturne des habitants du marais, caïmans à lunettes, caïmans noirs… moustiques de toutes obédiences. Nous revenons sur nos pas, la nuit tombante, vers une plateforme reconnue où nous bivouaquerons

Dimanche 22 septembre.

Le cri des grands toucans accompagne notre petit déjeuner : ils se poursuivent à la cime des grands arbres que transperce les rayons d’argent acérés du soleil levant, trente mètres au-dessus de nous. A travers une percée dans la végétation, nous surplombons la mer de vapeur qui noie les lointains, vers Cacao. Nous redescendons dans la vallée et prenons la direction du petit village où les Hmongs, fuyant les guerres du sud-est asiatique, se sont installés dans les années 70. Aujourd’hui, après un labeur acharné, ils sont les principaux producteurs de fruits et légumes en Guyane. Au bord de la route, les « abattis » récents témoignent de leur activité en développement : la forêt est sommairement défrichée et brulée avant la plantation de bananiers, de manioc, de dachine, etc. Le dimanche, c’est jour de marché à Cacao, très couru par les cayennais. Les Hmongs, tout petits, tiennent commerce derrière des étals presque aussi hauts qu’eux. Les prix répondent à la fréquentation des cayennais aisés. Les restaurants asiatiques servent sous tentes soupes chinoise, nems et rouleaux de printemps. Jacques et Martine nous ont rejoints pour la journée : nous déjeunons d’une soupe « moyenne » bien suffisante. Le village ne présente guère d’autre intérêt abstraction faite d’une boutique de souvenir qui propose sous verres papillons bleus et mygales noires, machettes brésiliennes et bijoux de pacotille. Nous parcourons en voiture quelques kms autour du village : une ou autre belles maisons de bois, potagers et vergers, une crique sympathique où se baignent des familles avant d’être surprises, et nous avec, par une forte averse.
Martine et Jacques reprennent la route vers Cayenne, nous prenons celle de Saint Georges de l’Oïapock. Après 40kms, une petite piste nous mène à une ancienne carrière de sable qui nous offre sa tranquillité pour la nuit. Il est encore tôt. Nicole fait une grosse lessive.

Lundi 23 septembre.

Ce sont trois gros perroquets verts qui égayent ce matin notre petit-déjeuner. Nous les observons aux jumelles.
Le linge humide hier soir, est trempé ce matin. Nous l’étendons au soleil et ne levons le camp qu’un fois sec. Une route sinueuse nous conduit à Régina, petite bourgade sur le large fleuve Approuague. Pas de chance, son intéressant écomusée est fermé le lundi et le mardi. Quatre tomates pas mûres et deux oignons nous coûtent la somme extravagante de quatre euros cinquante ! Nous déjeunons chez le « chinetoque » que nous indique un portugais, entouré de gendarmes et de militaires : l’Approuague est un haut lieu de l’orpaillage illégal. Un professeur d’anglais au petit collège de Régina nous fait gentiment la conversation. Quatre-vingt kilomètres nous séparent encore de St Georges: avant d’y arriver, une piste se propose à nous, qui remonte le fleuve Oïapock sur une vingtaine de kilomètres jusqu’à Saut Maripa, premier obstacle à la remontée du fleuve. Nous y sommes vers 15h30 : l’endroit est splendide. Les eaux du fleuve se jouent des rochers et des îlots sur une grande largeur. La légion étrangère a installé un camp sommaire sur la rive. A quelques centaines de mètres, la rive brésilienne. Malheureusement, l’endroit est souillé d’ordures, prétendument abandonnées une fois par mois par les amérindiens qui viennent à St Georges toucher leur RSA.
Un sentier balisé nous permet de faire une courte randonnée et de découvrir les géants de la forêt, dument étiquetés. Au retour, Martine et Jacques nous ont rejoints, prévenus par SMS du bel endroit pour un bivouac.

Mardi 24 septembre.

Nous faisons un mix des deux balades proposées le long du fleuve. D’abord par un large sentier dans la forêt qui nous permet de retrouver l’Oïapock en amont du saut Maripa : sous un carbet au bord de l’eau nous nous reposons un moment avant de prendre le petit layon qui nous mène à un autre carbet et à une plage de sable blanc près du saut Anouana. Nous laissons les dames sous le carbet et parcourons, Jacques et moi, quelques centaines de mètres : de rocher en rocher, nous nous risquons jusqu’au milieu du fleuve qui trouve sa route en quelques rapides bienveillants. Une longue pirogue à moteur les franchit sans ralentir à la descente. Plus tard, une escouade de militaires en rangers et treillis saute sur le remous à la remontée dans un grand canot à la suite d’un plus petit qui trouve le passage. Nous revenons à la plage pour un agréable bain dans une eau à trente degré : la marée montante provoque un fort courant, nous nageons sans avancer. Une heure et demie de marche nous ramène à notre campement. Au long du chemin, nous essayons vainement de photographier de magnifiques papillons bleus. Nous déplaçons nos véhicules pour un pique-nique sous les arbres en surplomb du fleuve.
A l’entrée de Saint Georges, des fonctionnaires de la DDE, en nombre, tiennent conciliabule au centre du nouveau rond-point, sans doute pour en évaluer la parfaite circularité. Nous les encourageons généreusement avant d’entrer dans le bourg, écrasé par la chaleur au bord de l’eau. Nous cherchons l’ombre pour stationner. Les piroguiers nous ont repérés et nous proposent la traversée vers le Brésil, à quelques centaines de mètres. Nous cherchons les informations pour faire traverser nos 4x4. Une barge accoste, et nous pourrions traverser dans l’heure, mais il nous faut attendre demain l’ouverture de la douane. Nous avons une autorisation temporaire de six mois pour les voitures et nous devons absolument faire constater leur sortie sauf à devoir payer de lourdes taxes d’importation en Guyane : ne sommes-nous pas en France ?
Nous passons donc la soirée à St Georges, au restaurant « Chez Modestine » qui sert une délicieuse cuisine à un prix raisonnable et qui nous permet de bénéficier du wifi. Nos voisins de bivouac, près du cimetière, sont très tranquilles, et nous somme à deux pas de l’embarcadère. Nous embarquerons à 8h30.
Dernière nuit en Guyane, donc, et fin de ce premier carnet de route.
Un problème électrique nous prive de lumière, ce soir, flute !






3 commentaires:

  1. Super récit, on s'y croirait, merci !

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  2. bonjour,
    pensez vous qu'un camping car pourri empreinté les routes qui donnent accés au bresil?
    merci

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    1. Aucun problème en Guyane jusqu'à la frontière brésilienne. C'est un peu plus délicat ensuite, vers Macapa, mais il n'y a pas de réelles difficultés.

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