Le Brésil.

Carnet de route Brésil.


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Brésil 2 ici:

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La Real Estrada: du 12 au 23 novembre.

C’est l’ancienne route par laquelle étaient acheminés l’or et les diamants du Minas Gerais vers Paraty puis Rio de Janeiro.
De Brasilia, nous rejoignons Diamantina par Curvelo où nous rencontrons deux équipages bretons : un Land Over surmonté d’une cellule Azalaï des Côtes du Nord et une cellule Logemobile sur un pick-up Nissan de Loire Atlantique. Ce sont, après deux mois, les premiers voyageurs français motorisés que nous rencontrons. Ils sont dans la seconde partie de leur voyage et roulent maintenant vers Brasilia en direction de la Bolivie.
Diamantina, accrochée au flanc de la montagne exige des freins efficaces et un embrayage sans défaut : ça tombe bien. La petite ville du XVIII° siècle est parfaitement conservée. Les multiples clochers des églises baroques crèvent la surface désordonnée des toits de tuiles.
Après un bivouac dans les collines, nous arrivons à Serro, capitale d’un fromage qui ne nous régale pas. Superbe bourgade qui s’étire sur les crêtes et très belles maisons coloniales. Dans l’après-midi, une mauvaise piste en travaux nous conduit à Conceiçao, sans grand intérêt, et où même les chauffeurs de bus ne savent pas nous indiquer la suite de l’Estrada Real. Nous prenons le goudron avant de trouver, difficilement, une petite piste vers un col qui nous offre d’abord une nuit venteuse, puis un réveil dans le brouillard et la pluie. Si nous n’avons jusqu’ici vu aucun accident, nous rencontrons dans la descente vers Belo Horizonte, et dans l’ordre : un véhicule sur le toit, une camionnette de transport en commun dans le ravin, et deux voitures qui se sont heurtées de front, le tout sur quatre ou cinq kilomètres. C’est jour de fête nationale, 15 novembre, et tous les Belo Horizontains sont sur les routes, malgré le mauvais temps. Les bouchons autour de la grande ville nous obligent à pique-niquer devant le portail d’Arcelor Mittal ! Dès que nous le pouvons, nous nous échappons par une jolie piste vers le Parque do Caraça. Bivouac sous les eucalyptus.
Le parc de Caraçà, c’est 11000 ha de forêt qui escalade la montagne jusqu’à 2000 m : les franciscains y avaient établi un monastère et un séminaire qui fonctionnait encore dans les années soixante. Les moines se sont aujourd’hui reconvertis dans l’hôtellerie et reçoivent les touristes qui espèrent apercevoir les fameux loups à crinières qui habitent la serra. Une petite randonnée nous mène au pied d’une jolie cascade à travers une végétation luxuriante.
Nous contournons le haut massif pour entrer dans un paysage de grandes mines à ciel ouvert qui nous obligent à gagner Mariana pour un bivouac sur le parvis de l’Igreja San Pedro tout en haut de la ville : nous attendons la fin d’un mariage pour nous installer et nous sommes aux premières loges pour le second qui commence à 20 heures et se poursuit fort tard. Dans la nuit, des jeunes boivent et s’amusent bruyamment : mauvaise nuit. Le centre ancien de Mariana a conservé ses belles maisons du XVIII° et nombres d’églises baroques aux autels recouverts d’or. La cathédrale renferme un très intéressant musée d’art sacré.
De Mariana, il n’y a qu’une quinzaine de kilomètres pour arriver à Ouro Preto où nous allons passer deux jours : bivouacs à 1300m d’altitude, en haut de la ville, près de la gare routière qui nous offre ses commodités. Les rues pavées dégringolent sur plus de trois cent mètres de dénivelé. Un beau musée rend hommage à Tiradentes, héros de l’Inconfidenia, mouvement révolutionnaire indépendantiste. Le musée des sciences et techniques expose 70000 échantillons de roches et minéraux et dévoile les méthodes de recherche et d’extraction. Dans chaque rue, ou presque, une église : nous ne les visiterons pas toutes. Le plus ancien théâtre du Brésil a été restauré dans les années 1920. Une pianiste répète sur la petite scène surplombée d’adorables balcons en fer à cheval. Le cinéma nous invite gracieusement à la projection d’un film français, Bleu, de K Kiewlosky, plutôt d’ailleurs en polonais. Le déjeuner du premier jour est l’un des moins bons de notre séjour brésilien : le second, l’un des meilleurs, mais on s’est un peu lâchés sur le prix.  Nous revenons sur l’ancienne Estrada Real vers Congonhas, qui n’a d’intérêt que par sa basilique de la fin XVII° mais surtout son extraordinaire chemin de croix sculpté grandeur nature par l’Alejadinho (et son atelier) dans six chapelles sur la colline qui domine la ville. Nous fuyons l’infecte route principale et ses camions pour une jolie piste qui serpente dans les collines vertes au pied d’un chainon montagneux : par moment, on se croirait presque en Pays Basque. Est-ce pour ça que c’est si joli ? Peu avant Tiradentes, village natal du héros, nous trouvons notre bivouac au pied d’une jolie cascade qui saute du haut de la serra Sao José. Sa longue muraille nous domine et s’étend sur des kilomètres.
Tiradentes, c’est une autre plongée dans le XVIII° siècle : la petite ville s’y est assoupie et se réveille doucement avec le tourisme. La promenade y est très agréable dans les rues bordées des blanches maisons coloniales aux boiseries colorées. Un antiquaire a minutieusement reconstitué un intérieur de l’époque et nous y découvrons de beaux meubles et objets usuels, en particulier d’imposants bancs à fromage. Excellente adresse du Routard pour le déjeuner.
Après nous être involontairement séparés, nous nous retrouvons à Andrélandia. Jacques s’est arrêté  pour ramasser une pièce métallique dont il ne sait pas si elle provient de son véhicule : un premier coup d’oeil le rassure, il ne semble pas quelle lui appartienne. Nous entrons dans le massif des «montagnes magiques de Mantequeira » : c’est un peu excessif, mais c’est bien beau tout de même. Tout est clôturé de part et d’autre de la route et nous trouvons difficilement à nous poser pour la nuit, sur une colline, visibles à des kilomètres, et d’ailleurs, pour la première fois, on viendra nous dire que nous sommes installés sur une propriété privée.
Les montagnes s’élèvent jusqu’à près de trois mille mètres. La piste monte franchement pour passer un col à 1400m. Les grands araucarias ajoutent une crête soignée aux reliefs impressionnants. La descente vers l’est et l’Atlantique nous ouvre la Mata Atlantiqua, riche forêt sous l’influence de maritime  qui dorénavant couvre tous les massifs jusqu’à leur plongée brutale dans l’océan. Notre bivouac prévu dans le parc national de Itaitaia s’achève sur le parking d’une petite ville trop touristique et « finlandaise », Penedo : tout y est sous le signe de la Finlande : gastronomie, saunas, maisons de bois. Impossible de s’installer près ces cascades, envahies de touristes et de baigneurs. Nous en profitons pour nous glisser sous le toyota de Jacques : la pièce récupérée est une protection de son pot d’échappement, mais surtout, nous constatons l’inquiétant décrochage de l’un de ses réservoirs d’eau : une heure de bricolage très salissant nous permet de remédier provisoirement au problème.
A Resende, le lendemain, nous finissons par faire souder deux pattes métalliques qui seront bien plus efficaces que le support tout à fait insuffisant posé par le constructeur de l’azalaï. Après quoi, nous prenons la route de Rio de Janeiro. Deux cent kilomètres sur une quatre voies, dans la pluie et le brouillard. Nous nous désolons dans la montagne, quand une éclaircie passagère nous laisse entre-apercevoir les somptueux paysages dont nous sommes privés.
Deux heures nous sont nécessaires pour traverser Rio, sur cinquante kilomètres dans la circulation, et gagner un parking, au pied même du Pao de Azucar, où nous savons pouvoir bivouaquer. Vers dix- sept heures, nous sommes garés au bord de la praïa Vermelha, pour huit reals par jour, sous de beaux arbres et sous la protection des militaires brésiliens : Estado Major do l’Exercito, Escola de commando, Escola Naval da Guarra, Circulo Militar … et j’en passe. La baie de Rio s’ouvre devant nous : la brume nous gâche un peu le paysage.







23 octobre au 11 novembre.

A compter de ce jour, le carnet de route s’allège : impossible de tenir le rythme. Il faudrait consacrer chaque soir une heure à son écriture.
Nous reprenons donc la route vers Sao Christovao, ancienne capitale de l’état du Sergipe. Perchée sur une colline, Sao Chritovao est un musée à ciel ouvert : églises et couvents des XVII et XVIII° siècles, richement décorés, azulejos et dorures. Avec la permission des voisins, nous nous installons pour la nuit devant une petite église, au calme. Pas de chance, sur le coup de onze heures du soir, il faut se déplacer de quelques mètres pour laisser place à un fourgon funéraire. Un cercueil est porté dans l’église pour une veillée mortuaire. Deux cent personnes se pressent en silence, et nous pouvons nous rendormir.
La « linha verde » et « l’estrada do coco » se promène dans les collines entre les eucalytus et les champs de canne à sucre, puis longe la côte bordée de cocotiers. Nous arrivons ainsi à Salvador de Bahia. Nous repérons le camping de Itapura, à 30 kms du centre-ville, puis nous nous lançons courageusement dans la circulation. Grosse galère pour arriver finalement à nous garer pour l’après-midi dans un parking pour les bus qui nous coûte fort cher. Mais nous sommes à deux pas du centre historique, le quartier de Pelhourinho bâti sur la colline qui domine la belle baie de « todos los Santos ».  Les places s‘égayent d’animations diverses : capoeira, groupes musicaux, bahainaises en costumes folkloriques …Quel contraste entre les rues pavées bordées de bâtiments anciens, d’églises, de couvents, parfaitement entretenus, fréquentés par les touristes, et les quartiers bas, sales, décrépits, encombrés, où grouille le peuple très pauvre de Salvador. Le retour vers le camping, la nuit venue, dans une circulation démentielle, est une épreuve pour les nerfs. Nous passons la journée du dimanche au camping et retournons en ville le lundi, cette fois en taxi. C’est moins animé que samedi, mais nous faisons tranquillement les visites des plus beaux monuments.
Par Santo Amaro et Cachoeira, très jolie petite ville sur le fleuve Paraguaçu, nous prenons la route des écoliers en direction de la Chapada Diamantina. Avant la nuit, nous trouvons notre bivouac sur la place de l’église (on a souscrit un abonnement) de Santa Terezina, grosse bourgade qui s’endort dès le coucher du soleil. On nous accueille une fois de plus avec des sourires et l’assurance que nous sommes en sécurité. La petite ville est toute proprette et les espaces verts entretenus avec soin.
La matinée du lendemain nous permet d’arriver à Lençois, porte d’entrée de la Chapada Diamantina. Lençois a pris ce nom, les draps, par association avec les tentes de toile des innombrables chercheurs de diamant qui se sont rués sur la région au début du XX° siècle. Par chance, nous découvrons le restaurant « O bode », l’un des meilleurs self au kilo de notre voyage jusqu’ici. Un premier tour dans le village, ça monte dur sous le soleil, nous permet de trouver la « pousada » Dos Duendes, tenue, avec sa compagne Daniéla, par Gilles, un ancien voisin qui gérait un temps le bar de la marine à Biarritz où nous avions nos habitudes pendant la saison. Ni l’un ni l’autre ne sont là, nous les verrons demain matin et nous consacrons le reste de la journée à une balade vers les vasques et cascades les plus accessibles sur le rio Lençois. Une eau noire polit un pudding de roches roses creusé de profondes marmites.  Nous nous installons au camping. Gilles nous reçoit gentiment à la pousada sur le coup de huit heures le lendemain et nous partons en randonnée munis de ses bons conseils. Il fait très chaud sur le chemin de « riberaio do meio » que nous atteignons après une heure de marche, et s’est bien agréable de se baigner dans les vasques au pied d’un long toboggan. En plein cagnard après le déjeuner, nous partons Jacques et moi vers la «  cachoiera de Sossego », mais nous abandonnons la partie après plus d’une heure d’effort sans avoir atteint la cascade. La douche au camping et une excellente caïpirinha dans la rue animée de Lençois mettent un terme à cette belle journée. Nous quittons Lençois le lendemain après déjeuner vers Andaraï, par l’ancienne piste. Un homme en vélo nous remet à plusieurs reprises sur le bon chemin, tant et si bien que nous nous retrouvons devant sa cabane d’ancien « garimpeiro » qu’il tente, sans beaucoup de succès, de transformer en bar-campement-souvenirs pour les randonneurs qui remontent vers la « cachoiera » de Capivari. Les difficultés commencent rapidement après la cabane : la piste devient chaotique et il faut franchir de véritables escaliers, des plages de sable et de petits rios. Il faut surtout, tous les cent mètres, couper des branches basses qui ferment la piste étroite. Nous parcourons seize kilomètres en trois heures et la journée s’achève devant un arbre tombé en travers de la piste : la nuit tombe, nous jouerons les bucherons demain. Nous improvisons notre bivouac en bord de piste.
Jacques s’est levé aux aurores et a fait la moitié du boulot quand j’arrive enfin pour l’aider. Nous finissons de couper les troncs et le toyota  les tire  sur le côté à l’aide d’une sangle. Quelques centaines de mètres plus loin, notre bivouac prévu hier, une belle plage de sable sur le rio Roncador au pied d’un long toboggan de rochers que nous escaladons. La baignade est délicieuse sous la pluie qui commence à tomber. Nous longeons la zone humide du Marimbus, refuge de beaux oiseaux et de nombreux animaux que nous ne verrons pas. Plus loin, dans la forêt, nous dérangeons une réunion – politique, religieuse ?- au sortir d’un large gué sur le rio Guarrapa avant de déboucher sur la route goudronnée qui nous mène enfin au sympathique village de Andarraï. Une étonnante route pavée nous emmène ensuite, dans la montagne vers le vieux village de Iguatu joliment conservé. Promenade et déjeuner. D’autres pavés nous raccompagnent au goudron défoncé qui conduit au « Poço Encantando » à bonne distance d’Iguatu. Nous bivouaquons sur le parking désert pour être à pied d’œuvre au matin. Equipés de casques et de lampes frontales, nous descendons en compagnie d’un guide dans le puits enchanteur : un lac souterrain occupe une large grotte et la lumière du jour transperce la masse d’eau d’un bleu intense pour dessiner, par soixante mètres au-dessous de la surface, les moindres détails du fond rocheux.
Sur la route de Mucujè, nous visitons un petit musée du diamant : outillage des garimpeiros, machines à polir les pierres  et un joli jardin botanique. Notre déjeuner, au kilo, pèse dans l’ascension du Morro du Cruzeiro, au-dessus de l’étonnant cimetière byzantin. Au sommet, trois cent soixante degrés d’une vue à couper la souffle (dixit le Routard qui a doublement raison) permettent de découvrir une grande partie de la Chapada Diamantina. La journée se termine sur une courte randonnée vers deux petites cascades qui coupent le rio Piabinha et nous permettent douche et baignade. Les tombes blanches du cimetière président à notre bivouac.
A l’entrée d’une somptueuse vallée, nous escaladons quelques rochers jusqu’au confluent du rio Paraguaçu et du rio Préto. Je regrette bien de ne pouvoir remonter l’une de ces vallées. Une large piste de terre rouge nous conduit jusqu’à Guiné, écrasé de soleil, en contrebas de la longue falaise qui interdit la chapada sur des dizaines de kilomètres. Des nécessités d’approvisionnement nous obligent à remonter jusqu’à Palmeiras avant de nous glisser dans l’étroite vallée de Capao. Le village de Caete-Açu accueille une population un peu marginale d’européens en rupture de ban et en recherche d’une vie en harmonie avec la nature et le cosmos. Le côté nature nous plait assez et nous partons à pied vers la plus proche des cascades, la Cachoeira Angelica, sur le chemin de laquelle nous croisons une jeune femme en haillon, au sourire lumineux, santa Angélica en personne, et un magnifique et inquiétant serpent cobra corail dont nous n’évaluons pas vraiment la dangerosité en le poursuivant dans sa fuite. Une fois encore, avec Jacques, nous n’atteignons pas la deuxième cascade et rebroussons chemin. Bivouac sur la place de Caete Açu qui refuse les ondes maléfiques du téléphone et ne connait pas, c’est plus grave, la caïpirinha !
Retour à Palmeiras. Déjeuner au pied du Morro do Pai Ignacio, dans un restaurant au kilo animé par une accorte serveuse qui lit la bible entre deux clients et accompagne, faussement, la sono qui diffuse des cantiques avariés. Nous partons à pied sur une piste qui s’enfonce et descend entre deux formidables masses rocheuses : une petite cascade nous en fait espérer une plus grande mais nous devons remonter sans l’avoir trouvée. Et nous voici de retour à Lençois, après un tour complet de la Chapada Diamantina, une pizza roborative dans la rue principale et une double caïpinrinha pour cause de « happy hour » jusqu’à 19h30.
Nous ferons en quatre jours les mille kilomètres qui nous séparent de Brasilia. Nous en ferons en fait beaucoup plus puisque la circulation des camions sur la route principale nous incite très vite à rechercher des voies plus tranquilles. Nous filons vers Bom Jesus do Lapa, puis vers Capihanda, longeant la belle vallée du Sao Francisco, que nous ne rencontrons finalement qu’à Capihanda, où nous bivouaquons sur une petite terrasse qui domine le fleuve. La ville, le soir venu, est parfaitement sinistre. Nos Gps restent muets sur la suite envisagée et nous renonçons après quelques kilomètres à nous aventurer sur cinq cent kilomètres de pistes aléatoires pour gagner la capitale. Nous revenons sur Bom Jésus pour reprendre la route classique qui trace sur le plateau d’infinies lignes droites et traverse d’immenses fazendas protégées quelquefois par de hautes haies d’eucalyptus. Enfin, la route pique au sud, et s’élève peu à peu au-dessus de mille mètres dans les collines, puis les montagnes recouvertes par le « cerrado », exubérant  mélange de forêt et de savane où concourent tous les tons de vert. A notre grande surprise, nous remarquons, en deux endroits, quelques spécimens de baobabs.
La recherche du camping de Brasilia nous occasionne quelques tours et détours, mais nous finissons par le dénicher derrière l’auberge de jeunesse, à quelques kilomètres du centre-ville. C’est assez sommaire, mais c’est un bon point de départ pour visiter la capitale. Les larges avenues de Brasilia sont conçues pour les voitures, et même si la circulation a été décuplée depuis les années soixante, on y roule assez facilement, et l’on s’y gare sans problèmes. Depuis le parking de la cathédrale, nous pouvons, à pied, découvrir les principaux bâtiments. Un mariage chic nous permet d’attendre la nuit et les illuminations avant de regagner notre camping. Je renvoie aux photos du blog pour se faire une idée de notre après-midi. La recherche d’un restaurant le lendemain, dimanche, nous permet de pénétrer dans les quartiers résidentiels, organisés en super-quadras et en quadras, eux-mêmes constitués de blocks, immeubles d’habitations de cinq ou six étages au milieu de la végétation. Quatre quadras forment une sorte de village, avec ses commerces et ses services, son église, son foyer de séniors, son école et son centre de santé. Mais les distances énormes semblent diluer la vie sociale dans un océan de verdure. Nous déjeunons, très bien, très cher, dans un restaurant bondé, le Xique Xique. L’après-midi, nous passons le pont J.K vers le monastère Dom Bosco, pour une vue magnifique sur  l’immense lac artificiel qui baigne et rafraichit la ville. Retour vers la place dos Tres Poderes et les beaux édifices qui l’entourent. Enfin, nous avons la chance d’assister à un petit bout de messe dans le sanctuaire Dom Bosco, éclairé par le soleil couchant qui enflamme les somptueux vitraux bleus.
 Mais qu’il est difficile de boire un coup, dans le centre de Brasilia !
Une visite inutile dans un centre commercial luxueux et un repas très simple dans une gargote au pied des immeubles flambant neufs mettent un terme à notre court séjour dans la capitale. Nous prenons maintenant le chemin de Diamantina qui nous ouvrira « l’Estrada Real », la route de l’or et des diamants, vers Rio de Janeiro.


Du 13 au 20 octobre.

Nous ne reprenons la route qu’en début d’après-midi en direction de Camocim, à une centaine de kilomètres, où nous trouvons notre bivouac à l’abri des murs qui entourent le phare. Une ampoule de 25 watts lance vers l’océan un rayon dérisoire et intermittent. La nuit est moins venteuse que la précédente. Au matin, je renonce à regret à traverser le rio Coerau sur un petit bac qui nous aurait déposés sur la rive opposée, au pied de la dune blanche, et à quarante-cinq kilomètres de Jerricoacoara  par la plage et le sable : les dames ne sont pas enthousiastes. Après quelques courses au marché, nous prenons la route de Granja, pour un détour de quatre-vingt kilomètres sur le goudron. A Jicoca, il reste tout de même 25 kilomètres de piste dans les dunes : on nous propose un guide indispensable (!) Nous négocions le prix, dubitatifs, et après avoir d’entrée dégonflé nos pneus sur les conseils autochtones, nous parcourons plusieurs kilomètres sur de gros pavés, puis sur une piste dure. Arrivés au sable, nous enclenchons le 4x4 et prenons la suite du pick-up de notre guide qui fait cinquante mètres avant de se planter lamentablement dans le premier pâté venu … pour notre plus grande joie. Et pour le prix, nous poussons ! La suite est bel et bien dans le sable, mais aucune difficulté sérieuse ne se présente. La piste, profonde parfois, mais bien marquée, serpente entre les dunes. Nous parvenons à Jericoacoara, direction le parking obligatoire et surprise, nous y découvrons des voitures légères qui sont arrivées là par une piste tout ce qu’il y a de fréquentable. Bon, on s’est fait arnaquer, c’est pas grave. Les rues de sable du village sont parcourues par les buggies et les pick-up des agences et des nombreuses pousadas. La plage aussi, au large de laquelle s’ébattent les voiles multicolores des véliplanchistes. Une jeunesse dorée occupe les terrasses ombragées des bars et des restaurants. Les chevaux de location ne font pas recette aujourd’hui mais deux ou trois cavaliers nous offrent un agréable spectacle, venus se désaltérer sous les cocotiers, descendant élégamment de leur monture. Le village peu animé à notre arrivée se réveille dans l’après-midi et les touristes se pressent sur la dune, dès cinq heures, pour le coucher du soleil et le rayon vert : déception, personne ne l’a vu. La rue principale se remplit des éventaires à roulettes des petits marchands d’alcool. De luxueuses boutiques proposent du prêt à porter branché, les bikinis les plus sexy, de confortables hamacs ou les articles de déco à la mode. Les agences vantent leurs excursions en buggy et les sorties en mer. Le petit village de Jericoacoara, découvert par les surfeurs des années quatre-vingt est devenu le dernier endroit à la mode, mais le charme des rues de sable opère encore. Nous passons une nuit tranquille sur le parking, douche et wc à notre disposition.
Pas de guide au matin, pour rejoindre la plage de Préa et le petit village de pêcheurs, encore en activité. La piste de sable longe la plage. Je fais une incursion jusqu’aux lacs de Paraïso qui nous promène un moment dans de jolis passages de sable profond entre dune et végétation dense qui se resserre et balaie la carrosserie. A Préa, les pêcheurs halent péniblement les bateaux sur la plage. Après regonflage, une longue piste de tôle ondulée nous ramène au goudron. Sur la grande route qui nous conduit à Fortaleza, mes derniers doutes s’envolent : mon embrayage est en train de me lâcher, et c’est très désagréable dans une circulation dense où j’ai perdu les capacités de reprise de la voiture. Nous trouvons un confortable bivouac en bord de plage, entre un restaurant et un hôtel international, à trente kilomètres de la ville de trois millions et demi d’habitants.
Au matin, le concierge de l’hôtel nous donne l’adresse du concessionnaire Ford de Fortaleza, en l’absence d’une représentation Mazda. Nous y parvenons grâce au GPS, bien qu’il nous ait fait traverser  le centre-ville par les petites artères commerçantes bondées de chalands, de livreurs, de taxis, d’autobus. Chez Ford, on ne fait que de l’entretien classique de véhicules légers, mais on nous indique aimablement, et par chance tout à côté, un spécialiste 4x4, « Sertoes Off Road. » Nous comprenons tout de suite que nous sommes au bon endroit. Confirmation du diagnostic dans les cinq minutes. Claudio, le patron, s’en occupe personnellement. Le démontage de la boîte de vitesse est entrepris dans l’heure et la recherche de pièces dans l’après-midi. Nous déjeunons dans un restaurant proche et prenons une chambre dans une «  pousada » à deux pas du garage. Jacques et Martine regagnent le bivouac d’hier : ils reviendront demain matin pour faire faire une petite réparation. Nicole et moi nous faisons conduire en taxi jusqu’à Beira Mar, en bord de mer où se tient tous les soirs une importante foire artisanale : 600 boutiquiers occupent autant d’échoppes sur le trottoir de la grande avenue sur laquelle se retrouvent, la nuit venue, des milliers de promeneurs et de joggers. Agréable soirée. En fin de matinée, le lendemain, Claudio revient avec mon disque d’embrayage, reconditionné et deux mécanos d’attèlent immédiatement au remontage. Dans le courant de l’après-midi, la réparation est terminée, la facture réglée. Nous passons un agréable moment avec le personnel du garage et nos photos et vidéos du Maroc. Puisque nous avions réglé deux nuits d’avance à la « pousada », nous rejoindrons demain Martine et Jacques qui partent ce soir vers Aracati.
Des deux côtés de la route, les champs de canne à sucre ont remplacé pour un moment la maigre végétation du sertao assoiffé, qui reprend ses droits avant Aracati faisant kilomètre après kilomètre une place plus grande à d’immenses cactus qu’on croirait mexicains. Passée la jolie bourgade et ses pavés, nous roulons jusqu’à Canoa Quebrada, station balnéaire à la mode perchée sur la dune. Une falaise de sable rouge compact descend en deux ressauts jusqu’à la plage encombrée des parasols multicolores des « barracas ». Nous y déjeunons les pieds dans l’eau après une agréable baignade.
Avant la grosse ville de Mossoro dont les hautes tours s’élancent vers le ciel, nous quittons l’état du Ceara pour le Rio Grande do Norte. La circulation des camions est intense et dangereuse. Une piste de terre nous permet de nous éloigner de la BR 304, entre les deux clôtures de barbelés qui nous conduisent jusqu’à un hameau de trois maisons, Fazenda Lagoa do Mato Assù : nous demandons à bivouaquer près de la petite « igreja » verte. On nous permet aussi de faire notre plein d’eau, « la meilleure de la région » d’après les américains ( Coca Cola ?) et d’utiliser toilettes et douche du village. C’est sommaire, mais c’est gentil. La nuit venue, nous buvons un verre quand un petit attroupement se produit devant l’église. L’homme qui nous avait accueillis vient nous proposer de participer à la réunion de prière et nous ne nous faisons pas …prier, quoique Nicole soit déjà en pyjama. Nous nous retrouvons ainsi, tous les quatre, une fois le tempo, la musique et les paroles revenues, récitant avec les nos amis brésiliens, l’intégralité d’un chapelet, soit une dizaine de Pater Noster séparant dix dizaines d’Ave Maria qu’entame  successivement chacun des fidèles. Une fois considérés comme de bons chrétiens, on nous fait comprendre que nous devons nous aussi, en français, assurer notre dizaine, et c’est parti pour dix « Je vous salue … » De fraternelles embrassades mettent un terme à la réunion. En bonus, et en image, on nous explique que la Vierge vénérée du village, leur sainte patronne,  Nossa Senhora Appareicida, est effectivement apparue, le 18 janvier dernier, dans le congélateur du curé ( ou du maire, ou du bedeau, on n’a pas vraiment compris ) sous la forme d’un glaçon à sa ressemblance, comme en témoignent les photos prises à l’occasion, avant le dégel. Dire qu’au lieu d’emporter des médailles de Lourdes, comme nos amis Maïté et Charles en Albanie, nous avons acheté en gros, et en Turquie, quelques dizaines de Tour Eiffel pour menus présents ! En remerciement, et en nocturne, Martine, sur sa tablette, fait écouter aux trainardes l’Ave Maria de Gounod chanté par Nana Mouskouri. Allez, une petite prière et au lit.
Un autre genre de miracle, c’est celui qui nous attend le lendemain à Pirangi. Nous avons évité Natal au nez et à la barbe des rois mages géants qui en surveillent l’entrée, effleuré seulement ses vertigineuses – et belles - tours de béton et rejoint les hautes dunes recouvertes d’une végétation serrée fendue de larges langues de sable, comme les sapins par les pistes de ski, pour découvrir à leur pied, à deux pas de la plage, le plus grand « cajueiro » du monde, un anacardier quoi ! Huit mille cinq cent mètres carrés couvert par un seul arbre en seulement 120 ans. Six cent vingt mètres carré supplémentaires entre 2001 et 2006. Soixante-dix mille fruits chaque année –les cajous- et deux tonnes et demie de noix de cajou. Les spécialistes imaginent qu’il pourrait, à terme, couvrir quarante mille mètres carrés. Faudra quand même déplacer toutes les boutiques d’artisanat qui se sont installées à côté.
Nous mangeons, dans une sorte d’usine sur la plage, qui doit servir deux mille cinq cent repas les jours de semaine, et là, je vous assure, y’a pas de miracle.
Dans l’après-midi, nous entrons dans Pipa pour y dormir sur la « praïa ». Nous n’avions pas compris à quel point d’autres, depuis les années quatre-vingt, ont eu la même idée. Le petit village de pêcheurs est devenu à la mode, les « pousadas » justement poussent mieux qu’ailleurs et nous nous trouvons rejetés sur la falaise pour un bivouac aéré. Nous passerons tout de même une agréable soirée dans le village. Une fois la nuit tombée et la circulation plus raisonnable, la station retrouve un charme certain et une ambiance décontractée. Les boutiques, les restaurants chics et les touristes qui vont avec tiennent le centre du village, mais au fur et à mesure qu’on s’en éloigne la couleur locale réinvestit les ruelles dans la bonne humeur.
Le parc écologique de Pipa que nous visitons sur le coup de huit heures nous offre une facile promenade dans la forêt préservée qui borde la falaise rouge. Un délicat sentier de sable se glisse entre les arbres jusqu’aux points de vue d’où nous allons pouvoir observer tortues géantes et dauphins : ben non, travaillent pas le samedi ! Mais on a tout de même vu deux lézards, du genre caméléon, si, si, et peut être bien entendu un oiseau.
Nous gagnons Joao Pessoa, capitale du Paraïba , ville la plus orientale du Brésil, et nous faufilons dans la circulation jusqu’au lac qui sert de centre à la cité. De beaux bâtiments anciens témoignent d’un riche passé. Nous déjeunons dans un restaurant populaire en attendant la réouverture de l’Igreja Sao Franscisco, connue pour être l’une des plus belles églises du Brésil. Nous profitons d’une cérémonie pour nous glisser dans la superbe église baroque de Notre Dame du Carmel. A quatorze heures, les grosses portes de jacaranda de Sao Franscisco se ferment sous notre nez quand le Routard, le Petit Futé et le Lonely Planet nous les ouvraient à ce moment précis : ben non, travaillent pas le samedi ! D’autres travaillent, eux, dans la joie : un podium occupe le fond d’une place ombragée et le petit groupe de musiciens qui accompagne une chanteuse enthousiaste fait vibrer sans ménagement les énormes baffles de la sono. Le public danse, discute, mange ou boit dans un désordre total.
Nous nous installons en bord de mer, au camping, le premier, de la « Praïa des Seixas ». Installations rudimentaires, mais les pieds dans l’eau : repos, lecture, baignades. Nous, on travaille pas le dimanche. Sauf Nicole et Martine qui font une grosse lessive.
Olinda et Recife : 20 et 21 octobre.
 Nous levons le camp à 7 heures pour gagner Olinda, aux portes de Recife. Des deux côtés de la grande route, la canne à sucre occupe tout l’espace, escalade les collines, dégringole jusqu’au fond du moindre ravin, à tous les stades de sa croissance, de la plus jeune à celle qu’emporte  vers les raffineries d’énormes camions à deux remorques.

 Nous trouvons sans difficulté à stationner au plus près du quartier historique d’Olinda, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. 360000habitants à Olinda mais le quartier historique sur la colline qui domine les plages, épouvantablement sales et polluées, et offre un panorama unique sur les tours de Récife à quelques kilomètres, n’est pas si étendu qu’on ne puisse le parcourir à pied. De NS do Carmo la visite commence par le couvent de Sao Francisco (1585), la capela de Sao Roque et l’igreja NS das Neves qui sont accolés : azulejos sur tous les murs, ors sur les colonnes et les autels, statues dans les nombreuses niches … Le séminaire et l’église NS da Graça sont le point culminant de la ville, encore des dorures. Plus loin, la cathédrale s’est installée sur un long balcon d’où l’on découvre les toits de la ville et les doubles clochers des églises qui émergent des palmiers. Don Elder Camara y repose depuis 1999 en gardant un œil sur son ancien archevéché. La visite continue par une succession d’églises plus ou moins intéressantes. Une mention pour l’église et le couvent de Sao Bento sur le parvis desquels, en pleine ville, nous trouverons un excellent bivouac. Et j’assisterai aux vêpres des moines franciscains, regrettant de ne pouvoir mêler ma voix à leur chant latin : les paroles de  «  l’ Attende Dominé » ne me reviennent qu’après la cérémonie, lointaine réminiscence de mon éducation chrétienne.
Les cloches sonnent à toute volée et nous tirent du sommeil à 5h30, mais c’est l’heure du lever du soleil, et de toute façon celle où nous nous levons chaque jour. A 7h, nous nous glissons dans la circulation pour gagner le vieux Recife et, là encore, nous nous garons sans difficulté dans la rua Bom Jesus bordée d’arbres immenses aux racines entremêlées et d’immeubles rococo fin XIX° dans une infinité de couleurs plus ou moins heureuses. D’immenses bâtisses à colonnades, surmontées de gloriettes de chantilly ont été restaurées ; d’autres disparaissent sous les filets des entrepreneurs ; d’autres encore résistent à l’affront du temps sous les coulées noirâtres qui défigurent les façades et la végétation qui s’agrippent aux corniches. Passé le pont, la bibliothèque municipale nous accueille pour une tentative de connexion internet : tout le monde se met en quatre pour nous rendre service et nous finirons par envoyer quelques nouvelles. Ces Brésiliens sont décidemment très sympathiques. Nous ne dérangeons jamais. Ils sont curieux de notre voyage mais restent d’une discrétion parfaite. Il est rare qu’un coup de klaxon souligne nos hésitations dans la circulation. Ils se lancent dans de longues phrases, dans lesquelles nous saisissons un mot ou deux et recommencent gentiment quand ils comprennent que nous, nous n’avons justement rien compris.
Pour la visite des monuments –églises et monastères, souvent somptueux, je vous renvoie à mes photos et à n’importe quel guide touristique. Nous nous promenons longtemps dans les rues animées et nous perdons dans le dédale des échoppes autour du marché Sao José. Une puissante voix de femme nous interpelle : la dame vante en chanson les qualités de trois misérables tabourets de contreplaqué qu’elle promène dans une brouette : elle se prête en riant à notre petite vidéo.
Nous quittons Recife, que nous avons beaucoup aimé, un peu frustrés de ne pas y consacrer plus de temps mais il faut bien avancer vers le sud, dans cet immense pays et le voyage à quatre nous impose quelques contraintes. La sortie de l’agglomération est une épreuve sportive de haut niveau et il n’est pas facile de rejoindre la route de la côte qui se faufile dans les collines couvertes de canne à sucre et longe la forêt de cocotiers qui bordent le rivage. Nous trouvons notre bivouac derrière la petite église Sao Pedro : elle ouvre ses portes sur l’océan et la barrière de corail, ourlée à quelques encablures de l’écume blanche de la vague qui s’y fracasse. Les accès publics à la plage sont rares. Le tourisme se développe, avec ses hôtels de standings, ses pousadas et ses résidences secondaires parfois luxueuses.
Notre route vers Maceio, encore un million d’habitants, est longue. Nous entrons dans le petit état de l’Alagoas. Les nombreux villages traversés sont semés d’embuches, les nombreuses « lombadas », épouvantables mais très efficaces ralentisseurs. Des vaches blanches broutent sous les cocotiers : Nicole m’explique que le Brésil est le premier producteur mondial de lait de coco. Le paysage est plus varié, la canne à sucre ne domine plus, la forêt tropicale recouvre les collines, les cocotiers ourlent l’asphalte de la route. Nous déjeunons à Maceio, dans une « barraca » de plage qui nous fait attendre une heure un plat de spaghettis. Qu’importe, nous admirons les prouesses des surfeurs locaux qui défient les rouleaux de l’Atlantique, tentant d’échapper à la redoutable mâchoire des requins. Après Maceio, la canne sucre revient en force : une énorme usine de transformation crache des fumées noires et une odeur sucrée ; des broyeurs gigantesques expulsent la canne exsangue. Probablement une usine d’éthanol dont le Brésil est le premier producteur et un grand consommateur : chaque station-service en propose. Bord de mer encore ce soir, dans un espace dégagé entre deux parcelles clôturées de hauts cocotiers.




Du 6 au 12 octobre. Lençois maranhenses.

Nous quittons Sao Luis en direction du parc national des « Lençois maranhenses », en bon brésilien, les draps du Maranhao, par référence aux dunes blanches qui couvrent comme des draps plissés le littoral sur 100 kms de long. Plein de gazole et d’eau à Rosario. Sur le coup de midi, nous quittons la route principale pour gagner, le petit village de Humberto Campos. Par chance, une churrasquerria est ouverte et nous pouvons y déguster poulet et saucisses. Nous ne sommes pas très loin des premières dunes, mais aucune route ne nous permet d’aller plus loin et de franchir le rio Peria. Retour en arrière et nouvelle tentative un peu plus loin en direction de Santo Amaro, à 36 kms : nous cahotons d’abord sur une large piste de sable dur bordée de parcelles plus ou moins boisées. Quelques maisons sous le soleil. Des panneaux proposent à la vente des terrains de rêve ! Un petit pont franchi sur une eau claire et nous traversons un village. Bifurcation. On nous indique la piste de droite et je m’élance sans entendre la suite. Cinquante mètres plus loin la piste attaque une raide montée dans un sable très profond. Il n’en faut pas plus pour que je me plante : les premiers mètres de sable me sont toujours fatals. Dégonflage et marche arrière. Bien vu : trois gros toyotas arrivent en sens inverse. Dans les bennes équipées de trois rangées de siège, protégées d’une toile sur des arceaux d’acier, les passagers serrés les uns contre les autres se font balloter sans ménagement. La piste de gauche permet d’éviter le raidillon, mais pas le sable, et ça devient sérieux. Nous ajustons la pression de nos pneus. Je passe devant, dans l’idée que Jacques puisse me tirer en arrière si ça ne passe pas. Mais ça passe, tant bien que mal. Deux profondes ornières forment un amas de sable au milieu de la piste et le pont arrière l’arase fréquemment. Nous cheminons en ballotant de droite et de gauche entre deux rideaux de végétation épaisse qui se resserre et nous emprisonne. Je redoute de rencontrer un véhicule en sens contraire : en voici un, mais une piste qui rejoint la nôtre permet le croisement. J’essaye de faire comprendre qu’un autre véhicule arrive, mais le gros toyota « bandeirente » repart. Jacques finit par nous rejoindre après un quart d’heure. C’est lui cette fois, qui s’était planté, et que les passagers du « bandeirente » ont aidé à se désensabler. Comme quoi, mon pick-up japonais n’a rien à envier à son toyota HZJ 79 : j’ai une meilleure garde au sol et mes lames de suspension, au-dessus du pont, ne labourent pas, comme les siennes, les flancs de l’ornière.
 Tant bien que mal, nous faisons quelques kilomètres. Après un village, tellement isolé, nous décidons de nous arrêter pour la nuit, dans un espace de savane dégagé propice au bivouac. Nous n’avons fait que la moitié du chemin jusqu’à Santo Amaro.
Au matin, Jacques préfère faire demi-tour : je suis déçu, mais c’est la voix de la sagesse. Nous rejoignons la route et gagnons Barreirinhas, entrée classique des « Lençois ». Après déjeuner, nous embarquons pour une excursion en 4x4 dans les dunes. Un bac nous permet de franchir le rio. Le chauffeur ne ménage pas son Hillux : le moteur rugit à quarante à l’heure dans les ornières, les amortisseurs sont mis à rude épreuve et nous sommes projetés les uns contre  les autres, à deux doigts d’être éjectés à chaque embardée. Les six généreuses brésiliennes qui nous accompagnent, entre les cris de frayeur, mangent et chantent à tue-tête. Nous chantons avec elles. Après une heure d’épreuve, les dunes apparaissent, blanches, splendides, dominant la forêt tropicale. Nous partons à pied pour trois heures de randonnée, pieds nus dans le sable très fin. Un premier lac apparait derrière la première dune, le lac des « toyoteros » et nous plongeons avec délice dans une eau à plus de trente degrés. Les brésiliennes soufflent sur la crête suivante et se laissent glisser vers le second lagon. Nouvelle baignade. Le troisième lac, lac de peixe, aux eaux moins limpides, est habité par quantités de petits poissons qui mordillent vivement. Les brésiliennes y prennent un plaisir non dissimulé, ponctué de petits cris de surprise joyeuse. La remontée devient plus dure, et nous devons hâler les demoiselles sur la pente : elles finissent à genoux dans le sable, mais n’ont pas lâché le paquet de chips ou de biscuits qu’elles continuent de consommer sous la traction. Après le « lagoa azul », nous arrivons sur la dernière crête quelques minutes après le coucher du soleil. Au pied de la dune, une dizaine de 4x4 attendent les clients. Le samedi et le dimanche, soixante ou quatre-vingt véhicules font le circuit, à douze clients chacun. Une nouvelle heure de soubresauts finit de nous briser les reins et nous ramène à Barreirinhas, à la nuit noire. En attendant le petit bac, nous goutons d’étonnantes et délicieuses crêpes de manioc.
Le bivouac est établi sous un gros manguier, sur la place de l’église, près du kiosque à musique où s’amusent les enfants. Les gens du cru restent très discrets à notre encontre et notre présence ne semble étonner personne.
A huit heures et quart, nous embarquons sur un petit bateau : un jeune couple partage la balade. Nous allons descendre le fleuve Préguiças sur 38 kilomètres, jusqu’à son embouchure. A deux reprises, au ponton d’une « pousada », nous embarquons d’autres personnes, et nous sommes finalement douze à bord, avec Johnny, le sympathique « tripulante ». Le hors-bord file à toute allure au plus près de la mangrove : quelques arrêts nous permettent de nommer quelques palmiers remarquables en nous glissant pour quelques mètres dans un « igarapé ». Un premier village de palmes, Morro do boi, nous offre un rafraîchissement et quelques moustiques sous la surveillance des petits singes qui réclament des bananes. Nous sommes au pied de la première dune des petits « lençois ». De pauvres  hameaux de pêcheurs se succèdent entre dune et forêt impénétrable, seulement accessibles par le fleuve. Des bras d’eau contournent les îles couvertes de végétation. Mandaccaru dresse son phare de trente-cinq mètres à quelques encablures de l’embouchure. Nous gravissons les cent soixante marches pour profiter d’un panorama à 360 degrés, vers les « lençois » et l’atlantique derrière la longue langue de sable que la marée basse découvre. Une « caîpirinha » bien fraîche nous requinque avant de retraverser le fleuve pour déjeuner – mal et cher- à Caburé. Baignade et hamac. Johnny nous emmène pour finir au plus près de la passe qu’empruntent deux bateaux de pêche rentrant au port. Nous nous baignons longuement à la rencontre des eaux salées de l’océan et des eaux douces du grand fleuve. Sur le retour, nous observons de beaux oiseaux sur les îlots de sables, hérons blancs ou gris, , petits échassiers et quantités de rapaces, et même deux ibis rouges que l’envol d’une troupe de cormorans noirs ne trouble pas et nous dévoile.
Sur le quai de planches de Barreirinhas, au bord du fleuve, nous prenons à la nuit un rafraîchissement en laissant s’écouler le temps et promener de très chics brésiliennes.
Ce mercredi, nous voulons rejoindre Tutoia, plus à l’est sur la côte. La piste qui la longe sur trente-cinq kilomètres risque de nous poser des problèmes. La route fait un détour de 50 kilomètres. Nous optons pour une solution intermédiaire, sur 100 kilomètres, qui passe par Cardoza. La piste est assez roulante, pas toujours facile à trouver. A midi, sous une cabane de palmes, au bord d’un petit rio, nous déjeunons d’une « galinha » sacrifié pour nous à un prix exorbitant, qui gâche un peu le séjour idyllique. Dans l’après-midi, nous traversons plusieurs villages tranquilles dont on se demande de quoi peuvent bien vivre les populations en dehors de la culture du manioc dont les champs bordent les maisons. L’eau ne manque pas et de grands réservoirs de plastique bleu surplombent les maisons. Avant la nuit, nous nous installons au bord de l’eau, entre deux hameaux d’un gros village. Nous n’étonnons personne.
Au matin, les hommes viennent un à un laver dans la rivière un beau cheval. Une barque passe, à vide, une autre remonte le courant chargée de fourrage. Dans un village, toute une famille est occupée à la préparation de la « farinha », la farine de manioc, très importante dans leur alimentation. Plus loin un jeune couple d’auto-constructeur est occupé à monter la charpente de sa maison à ossature bois. Je me sens en proche d’eux. Nous rejoignons le goudron près de Paulino Neves. De là, la route nous mène à Tutoia, grosse bourgade animée, portail du delta de Parnaïba. Nous nous installons au bord de l’immense plage de sable fin que découvre la marée basse et qu’empruntent voitures et motos. Un restaurant nous permet de déjeuner d’un bon plat de crevettes et de bénéficier d’une connexion wifi. Une longue promenade sur la plage occupe la fin de la journée. La nuit sera venteuse.
De Tutoia à Parnaïba nous choisissons encore une route secondaire, qui se transforme en piste de sable dur. Nous n’allons pas vite, mais cela nous offre une observation plus tranquille de la vie villageoise. A Araioses, dans un bar « 100% natureza », nous ne pouvons que boire de la bière et du coca. Les pêcheurs débarquent de jolis crabes : dommage, nos casseroles sont un peu petites. Le fleuve nous sépare de Parnaïba, et il nous faut faire un grand détour par la route. A treize heures trente nous pouvons enfin déjeuner sur le  « porto dos barcas ». La ville ne semble pas désagréable : nombre d’avenues sont plantées d’arbres et bordées de quelques beaux bâtiments anciens. Nous filons vers le « porto dos tutas » d’où embarquent les touristes pour des excursions dans le delta. Excursion que nous ne ferons pas, après celle du rio Préguiças. Une route entre cocotiers et dunes de sable nous mène vers une longue plage … et les éoliennes de GDF-Suez. Nouvelle nuit très ventée au bord de l’Atlantique.
Une « pousada » nous offre la wifi qui permettra d’envoyer ces lignes et de déjeuner avant de reprendre la route.
Le 12 octobre, c’est l’anniversaire de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, mais c’est aussi l’anniversaire de Nicole qui la découvre à son tour : bon anniversaire.







Mercredi 25 septembre 2013.

La barge brésilienne Lunay II accoste à Saint Georges à 8h30. Quelques formalités nous permettent d’embarquer : les douanes guyanaises ont bien constaté la sortie de nos véhicules. Nous sommes – malheureusement puisque ça nous coûte cher – les seuls clients ce matin à traverser l’Oïapock vers le Brésil. Nous remontons le fleuve sur quelques kilomètres : sur notre droite, les cabanes et leurs pontons sont français. A gauche, même simplicité de l’architecture, brésilienne cette fois. Nous passons sous le superbe pont international porté par ses haubans d’acier et que personne ne peut encore emprunter : côté brésilien, les travaux d’accès ne sont toujours pas terminés. La presse guyanaise faisait état il y a quelques jours d’une probable ouverture dans un an et demie. Après trente minutes de navigation, nous débarquons à Oïapoque : du service sanitaire, à la police fédérale, puis au bureau des douanes, disséminés dans la ville, nous passons une bonne partie de la matinée à diverses formalités, entrecoupées d’un premier et copieux repas brésilien dans une gargote en bord du fleuve. Côté guyanais, une petite bourgade sans commodités, côté brésilien une ville déjà importante et très commerçante, débordant d’activité.
La route de Macapa, après un contrôle policier, déroule un large ruban d’asphalte entre deux murs de verdure et sur les soixante premiers kilomètres. Après quoi, la latérite prend la relève et les nids de poule entre lesquels nous zigzaguons, qui ne gênent nullement les quelques camions, lancés à vive allure dans des nuages de poussière rouge. Des ponts de bois franchissent les nombreux «  igarapé ». Bientôt, des panneaux du ministère de la justice indiquent que nous traversons la réserve indienne Huaça dont nous apercevons un premier pauvre village de planches. La route jusqu’à Macapa a très mauvaise réputation : il y sévirait des bandes de coupeurs de route prête à détrousser le voyageur. Bien avant la nuit, et pour ne pas tomber entre leurs mains, nous choisissons plutôt les éventuels coupeurs de tête et nous demandons l’hospitalité du village de Karipuna, où vivent douze familles indiennes Ahuma, sous la ferme autorité du cacique Maria, sympathique petite femme en forme de pot à tabac. Elle parle même un peu le français et nous explique que l’autorité est détenue par les femmes chez les indiens Ahuma. Nous nous installons au milieu du village, près de la petite école et de la petite église, près aussi du gros générateur ! Les enfants nous entourent, surtout intéressés par farouche, le chien de Martine, qu’ils délaissent pour le ballon que nous leur donnons, se lançant sur l’herbe dans une partie de football joyeuse. Les jeunes filles se tiennent timidement à l’écart. A la nuit tombée, un groupe se retrouve sous le toit de palmes de la maison commune pour une longue soirée de discussion. Une grande sérénité enveloppe tout le village.
Nous nous endormons en même temps que le générateur, pas mécontents de ce bivouac exceptionnel.

Jeudi 26 septembre.

A 7h30 les grandes sœurs conduisent par la main les touts petits vers l’école, cartable sur le dos, propres et bien habillés. Les pères partent vers la forêt, tronçonneuse en bandoulière et les mamans s’activent déjà à la lessive. Le mari du chef pousse sa brouette malgré ses deux pieds handicapés tournés l’un vers l’autre. Maria, le chef, donc, vient nous saluer avant notre départ : embrassades et petits cadeaux réciproques.
Nous repartons dans la poussière de la piste, pour une centaine de kilomètres, tantôt roulante, tantôt défoncée, coupée de nombreuses rivières plus ou moins larges. Sur les plus larges les pécheurs tirent leur filet depuis de fines pirogues. Des femmes s’affairent à la lessive. Des jeunes gens se baignent dans une eau claire. Nous retrouvons le goudron avec satisfaction qui nous mène à C …….longue rue poussiéreuse surchauffée du soleil de midi. De jeunes collégiennes à vélo se protègent de parapluies – d’ombrelles – aux couleurs chatoyantes. Nous nous réfugions dans un petit restaurant populaire : poisson frit, poulet, viande aux oignons ou foie, l’accompagnement ne change pas : haricots rouges, spaghettis, riz, « farinha », environ 15 reais par personne, avec la boisson, soit environ 5€.
Nous tombons par hasard sur l’atelier d’un frigoriste qui confirme mon diagnostic de panne du thermostat de notre frigo et nous repartons muni de l’adresse d’un fournisseur à Macapa . Notre panne électrique d’avant-hier vient de la consommation excessive du frigo que le thermostat ne régule plus.
La route est longue et monotone, forêt et savane, jusqu’à Amapa. La piste qui y mène depuis la grande route – la BR 156 – est en travaux et nous n’en voyons pas le bout. Nous arrivons enfin dans une bourgade très étendue : hormis le centre, on circule dans une sorte de favela à l’horizontale dont toutes les rues finissent en cul de sac. Pas très engageant. Nous nous désaltérons en compagnie d’un couple de Tchèques qui voyage en mot sur tous les continents. Décidemment, Amapa ne peut nous offrir le bivouac. Nous repartons sur la piste. La nuit est noire quand nous trouvons enfin un endroit propice.

Vendredi 27 septembre.

Nous entrons dans Macapa vers midi et bien que les rues y soient organisées à angle droit, ce n’est pas facile de s’y repérer, d’autant que la circulation est importante et quelques peu désordonnée. La faim nous tenaille : un restaurant «  au kilo » fait notre affaire dans le centre, et nous nous garons au bord d’une grande place : en peaufinant mon stationnement, j’emboutis le capot de la voiture qui vient de s’arrêter juste derrière moi et que je ne vois pas dans mes rétros. J’en suis pour une centaine d’euros réglés à l’amiable. Nous déjeunons tout de même de bon appétit : le self-service au kilo nous permet d’éviter le trio haricots/riz/spaghettis et l’addition est très raisonnable.
Après le repas, Jacques nous mène comme un chef (merci garmin) à l’adresse indiquée par le frigoriste d’Amapa. Pour 12€ je trouve un thermostat compatible : une demi-heure de boulot et le frigo reprend du service. Youpi !
Nous partons vers le port de Santana d’où partent les « balsa » vers Belèm et ce n’est pas vraiment facile à trouver. Nous en profitons pour passer subrepticement l’équateur : en pleine agglomération, pas facile d’organiser une petite cérémonie, pourtant, nous avions plein d’idées rigolotes. Après des tours et des détours, nous arrivons sur un petit port très animé dans l’idée de nous renseigner sur une traversée demain. Les rabatteurs nous tombent dessus : un bateau est à quai, qui part à 18h et qui peut  embarquer deux gros véhicules. Il faudrait attendre quatre jours pour le suivant. Du lard, ou du cochon ? Nous nous laissons convaincre, négocions le prix, courrons à la banque retirer des espèces, faisons trois courses, et nous présentons à l’embarquement dans la foulée, et dans la joyeuse cohue des passagers qui montent à bord, poussant valises et paquets, accrochant tout de suite leur hamac. D’autres y dorment déjà. Des palettes sont posées sur le quai pour compenser la hauteur du pont, deux rampes y sont appuyées et nous embarquons dans des conditions de sécurité un peu précaires. Nous faisons le spectacle, dans la bonne humeur. A 18h30, le Sao Benedetto appareille sur un large bras de l’Amazone, alors que la nuit s’installe. Contrairement à ce que nous avions imaginé, nous sommes à la proue du bateau, aux premières loges. Macapa n’est plus qu’un trait de lumière derrière nous et nous n’en aurons  pas vu grand-chose. Les rives se distinguent encore par les ampoules fragiles qui se balancent aux pontons des maisons de bois. Puis la nuit, le fleuve, la forêt avalent les dernières traces de la  présence des hommes. Seul le projecteur du bateau qui s’allume par intermittence fait surgir de l’obscurité le sillage blanc d’une pirogue, la tache verte d’un îlot de verdure à la dérive ou la silhouette noire d‘un tronc emporté par le courant.
Sur le pont supérieur, nous buvons une bière fraîche à la « lanchonete » du bord dans les décibels de la sono qui crache de la samba. Les hamacs multicolores se balancent en rythme sur les trois ponts du navire. Nous regagnons nos véhicules et trouvons rapidement le sommeil bercé par les ondulations du fleuve et le ron-ron du gros moteur diesel.

Nuit du 27 au 28 septembre.

Un subit ralentissement du bateau et un calme étrange me tire du sommeil. Par la fenêtre j’aperçois, bâbord et tribord, le mur continu de la forêt à quelques mètres seulement. Nous sommes entrés dans un bras étroit du fleuve et le balsa s’y glisse presque sans bruit : le pinceau lumineux du projecteur danse de droite à gauche. Je suis assis sur le pas de la porte d’Euskal-go et la forêt s’ouvre pour moi seul. Puis elle semble ne plus s’ouvrir et le bateau va entrer dans les arbres, avant de virer de bord au raz de la mangrove en suivant la lumière qui découvre un autre passage. Je vis un moment magique.
Le canot du bateau se détache en pétaradant et décrit sur l’avant une large boucle : dans le rond de lumière qui les éblouit sur le ponton où ils attendent, un homme et sa femme, un enfant, des bagages embarquent dans le canot et rejoignent le bord où ils installent déjà leur hamac qui se joint aussitôt au balancement des autres. A deux reprises le Sao Benedeto, tout en douceur, vient s’amarrer  dans la nuit à un embarcadère : des gens finissent ici leur voyage, d’autres le commencent. Surtout, des membres de l’équipage, en équilibre très instable sur de frêles planches, chargent à bord de lourds sacs de crevettes séchées. L’escale a duré quelques minutes, les lumières des pontons vacillent dans la nuit amazonienne qui reprend ses droits. Plus tard, deux bateaux de pêche surgissent de l’obscurité et s’amarrent à tribord : le sao Benedetto ralentit à peine. Les hommes s’affairent, de gros paniers passent de mains en mains, crevettes encore, sous des feuilles de bananiers. Les pêcheurs à leur tour, et leurs bateaux, sont avalés par la nuit. Le ballet du canot, bien plus rapide que le gros navire, fera encore plusieurs aller-retour.
Je dors maintenant, et le bateau poursuit sa route sous des milliards d’étoiles.
Samedi 28 septembre.

Prendre son petit déjeuner à la porte ouverte de sa maison sur le fleuve Amazone et la forêt qui l’étreint est un rare bonheur. De petits villages de bois, trois quatre maisons et leurs pontons, surgissent de loin en loin, d’un côté ou de l’autre. Des enfants de cinq ans pagayent vivement pour amener la pirogue sur le remou du bateau, comme les nôtres font du vélo dans la rue, les plus grands naviguent déjà au moteur. Le linge sèche ( ?) au-dessus du fleuve. Nous croisons des balsas chargés de passagers et de cartons, des pirogues de pécheurs, et quand nous avons, en fin de matinée, rejoint une large étendue d’eau, de longues barges poussées par de puissants remorqueurs. Les villages sont plus nombreux maintenant et de grandes scieries empilent les bois rouges sur les berges. Nous approchons d’une ville importante, tributaire du fleuve, Breves, qu’une grande statue de Santa Anna annonce de loin. Le Sao Benedetto va y faire escale pendant deux heures. Un grand nombre de passagers est arrivé à destination et descend par la petite passerelle, encombré de sacs et de cartons. Nous descendons aussi pour une promenade dans la ville, sous un soleil de plomb. Toute l’activité économique se concentre le long du fleuve et des quais, gare fluviale, entrepôts, marché… Nous y faisons quelques courses, dont un kilo et demi de crevettes fraiches qui feront notre régal ce soir.
 Le bateau appareille à midi. Nous déjeunons au menu du bord, dans nos cellules, tellement le bruit des deux gros moteurs diesel est assourdissant à l’unique table du restaurant ( ?) : bœuf en sauce, riz, spaghettis, haricots rouges. L’après-midi s’écoule, lentement, plus monotone car nous naviguons sur le fleuve immense à cet endroit, parsemé d’îlots lointains. Un gros bateau de pêche semble à l’encre en pleine mer et le nôtre vient s’y accoler doucement : le chargement des crevettes s’effectue en dix minutes et le San Benedetto reprend sa course. La pluie, à plusieurs reprises nous force au repli et brouille l’horizon. Nous naviguons maintenant dans un chenal rétréci aux berges désertes. Puis Sao Sebstîao est, avant Belèm, la dernière escale de notre navire. La rivière est si étroite que le capitaine pousse la proue du bateau dans la mangrove pour le faire pivoter et le mettre à quai. Des passagers débarquent et nous repartons : la manœuvre est sans faute.
Nous partageons un excellent melon et nous régalons de nos crevettes préparées par Nicole qui n’a pas oublié de les assaisonner d’un peu de piment d’Espelette. Un bon vin blanc bien de chez nous ne nuit pas à l’affaire.
Nous nous sommes couchés tôt. Mais le clapot nous réveille, le vent s’est levé, les embruns, les vagues peut être, frappent notre maisonnette. Nous sommes entrés dans un bras plus large du fleuve, le mauvais temps y règne. Secoués de toute part, ce n’est plus le moment de quitter la station horizontale et les deux heures qui suivent ne sont vraiment pas agréables. Nous finissons par nous rendormir quand le bateau, de nouveau, s’est glissé dans un étroit canal.

Dimanche 29 septembre.

On nous avait annoncé l’arrivée à Belèm pour 5h, puis pour 6h, qui nous convenait mieux. A 5h30, des coups frappés à la porte nous réveillent en sursaut. Le Sao Benedetto est en train d’accoster. Deux énormes planches en guise de rampe nous permettent de regagner la terre ferme, et boueuse, et nous sortons bientôt du port pour nous arrêter sur la première avenue, presque déserte à cette heure-ci, un dimanche, pour le petit déjeuner que nous n’avons pas eu le temps de prendre. Après quoi, le GPS de Jacques nous mène sans difficulté à travers la grosse agglomération – un million d’habitants – jusqu’à l’hôtel Massilia, tenu par un français, dans le parking duquel nous espérons pourvoir bivouaquer. On nous fait une petite place, et nous négocions une chambre simple pour bénéficier des commodités sanitaires, et d’abord d’une bonne douche indispensable après la chaleur, et la moiteur, des deux jours précédents.
Nous sommes, par chance, à 200m de la « praça da Republica » le cœur vivant de Belèm. De plus, comme tous les dimanches, s’y déroule une foire artisanale et les particuliers y tiennent de petits stands de restauration : jus de fruits locaux, pâtisseries,  plats à emporter … Nous rencontrons Simon, jeune pâtissier français qui démarre une petite activité de fabrication et vente de gâteaux aux saveurs équatoriales : coco, goyave … Sur le kiosque de métal, un groupe de musiciens se prépare. Les familles se retrouvent sous les grands arbres, les jeunes gens affluent. La haute façade du théâtre du XIX° contraste étonnamment avec les immenses tours délabrées qui surplombent la ville. Nous descendons à travers les rues vers le marché «ver e peso », admirant au passage quelques belles constructions de style portugais, la cathédrale baroque et l’ancien fort portugais. De gros canons rouillés pointent sur la baie et l‘île de  Mosqueiro. L’activité dominicale du marché est moindre qu’en semaine. Dans les anciens bâtiments métalliques venus d’Angleterre au XIX° siècle et aujourd’hui en restauration, le marché au poisson regorge d’espèces inconnues de nous. A l’extérieur, sous des multitudes de tentes en enfilade, les médecines amazoniennes occupent une grande place dans des flacons de toutes couleurs. L’artisanat -poteries, vanneries, objets en bois- est bien représenté. Les crevettes séchées de toutes les tailles remplissent les paniers sur des dizaines de stands. Enfin d’innombrables gargotes se partagent un grand espace couvert. On y mange debout ou sur de haut tabouret et nous y déjeunerions bien si nous n’avions pas tant besoin de nous asseoir après trois heures de déambulation sous une chaleur suffocante. Mal nous en prend, car c’est dimanche, et nous ne trouvons rien d’ouvert jusqu’à atterrir dans un fast-food où nous mangeons très mal. Pour couronner la chose, un jeune homme mal intentionné tente de m’arracher mon appareil photo, mais je tiens fermement la courroie et le morveux décampe avant de prendre là où il faut le coup de pied que je lui destine. Sur la place de la république où nous sommes revenus un orchestre rassemble un grand nombre de jeunes. Une grosse salade de fruit nous rafraichit. Nous revenons vers l’hôtel pour une pause climatisée. En fin d’après-midi, alors que nous sommes ressortis, une bonne averse nous ramène sous le parapluie jusqu’à notre parking. La soirée se passe au Massilia, pour de longues ablutions et une connection internet.


Lundi 30 septembre.

Cette matinée de lundi sera sportive : nous partons à pied à la recherche d’une laverie sur les indications de l’hôtelier. C’est l’occasion de découvrir un autre quartier de Belèm, rues et avenues plantées de grands manguiers qui y font des tunnels de verdure, anciennes maisons quelquefois tarabiscotées, centres commerciaux animés. Notre linge sera lavé, séché, plié pour 16h30. Nous cherchons aussi un adaptateur universel pour pouvoir brancher nos ordis dans les prises locales et nous parcourons de kilomètres, d’un magasin à l’autre, d’un quartier à l’autre, chez les spécialistes qu’on nous a indiqué. Finalement, c’est dans un bête magaZin genre monoprix que nous finissons par dénicher l’objet de notre recherche. Nous déjeunons de bon appétit dans un « centre d’alimentation »très fréquenté, composé de 25 gargotes  numérotées qui proposent une nourriture simple mais roborative.
Un taxi nous emmène en début d’après-midi vers le phare et les jardins botanique en bord de fleuve, fermés le lundi, puis nous dépose devant la belle basilique NS de Nazaré. Datant seulement du début du XX° siècle, inspirée de la basilique St Paul à Rome, la nef est impressionnante d’une rigueur romane. Au-dessus de l’autel de marbre, une frise d’angelots de plâtre entoure la petite statue de NS de Nazaré derrière laquelle jaillit une multitude de rayons d’or. Pour le « Cirio de Nazaré » elle sortira en processions pendant deux semaines à partir du deuxième dimanche d’octobre, pour les deux millions de personnes qui en font l’une des plus importantes manifestations religieuses au monde. Déjà sur le circuit emprunté, les petits autels se montent au-dessus des magasins, les ouvriers dressent les estrades. Tout en nous promenant, nous allons chercher notre linge et revenons vers le Massilia par le chemin des écoliers. J’ai dans l’idée de ressortir vers 20heures pour déguster le meilleur « tacaca » de la ville, soupe de crevettes et de légumes, près de la basilique, mais j’ai décidemment trop de kilomètres dans les jambes.


Mardi 1° octobre.

La sortie de Belèm n’est pas une mince affaire et nous demande plus de deux heures dans une circulation infernale, entre des colonnes d’autobus à toutouche. J’ai bien de la peine à suivre Jacques. L’explication de ces embouteillages nous vient plus tard quand nous découvrons les énormes travaux d’un échangeur en pleine agglomération. Nous déjeunons dans une « churrasqueria » sur le parking de la station où nous faisons le plein.
La route vers Sao Luis n’est pas désagréable, mélange de savanes et de marécages, de forêt clairsemée où domine le palmier, de fazendas clôturées où paissent les zébus, bordée de quelques villages aux maisons de bois ou de brique sans enduit, de part et d’autre de la petite église bleue, ou jaune, ou verte dont les deux petits clochetons attirent l’œil, un peu en retrait. Après le passage d’un pont, sur un important  rio, une grosse bourgade se prépare à une soirée électorale : dans une joyeuse cacophonie, une foule en tee-shirts jaunes, converge vers la place principale en voiture, en moto ou en vélo, à cheval parfois au son de sonos tonitruantes. Les affiches du candidat, ou de l’élu, couvrent les portières des voitures.
A 17h, nous nous arrêtons dans un hameau et nous nous installons sous un arbre, avec l’aimable autorisation du tenancier du petit bar, au beau milieu d’une place de terre disproportionnée pour ces trois maisons. Nous buvons une bière bien méritée et demandons si l’on peut nous servir à manger : on nous fera griller une excellente viande de bœuf, accompagnée de quelques tomates. Sur la place, des semi-remorques énormes s’arrêtent, manoeuvrent, repartent, dans le bruit et la poussière, sans que l’on comprenne rien à leur manège. Ils ne nous empêcheront pas de dormir.




Mercredi 2 octobre.

La journée commence par un délicieux ananas offert par la propriétaire du bar. Tout le monde s’affaire, qui avec un balai, qui avec un râteau, qui avec une brouette, à nettoyer la grande surface de sable devant l’établissement, défoncée par les énormes semi-remorques qui y manoeuvrent.
La BR 136 traverse quelques agglomérations animées, tout en longueur de part et d’autre de la chaussée : d’imposants ralentisseurs imposent une vitesse très modérée. Des sonos tonitruantes sur pick-up appellent à l’on ne sait quelle animation. En plus de la petite église catholique, chaque village a son « Assembleia de Deus ». La route est rectiligne, à peine épouse-t-elle quelques ondulations du terrain. Les fazendas se succèdent entourées des enclos de bois qui servent au tri du bétail. Dans les grands espaces gagnés sur la forêt, paissent tranquillement les troupeaux de vaches blanches. Les bouquets de palmiers sont le principal relief de ces étendues.
Nous approchons de Santa Ines, où nous allons pouvoir déjeuner : la circulation s’interrompt derrière des camions immobilisés. Un double semi-remorque tente de faire demi-tour et ajoute à la pagaille. Nous nous faufilons avant de nous rendre à l’évidence : on ne passera pas. Nous sommes sur les terres de la petite réserve des indiens Guajajara et quelques emplumés, mécontents des mesures adoptées à leur égard par le gouvernement ont décidés de le faire savoir. Armés, mais pacifiques, d’arcs et de flèches, les visages grimés de peintures traditionnelles, couronnes de plumes colorées sur la tête, ils ont mis le feu à un tronc d’arbre qui barre la chaussée et renforcent le barrage de grandes palmes vertes. Les femmes restent un peu en retrait, devant leur village. Un tracteur en travers supporte une banderole et le slogan de leur colère. Les passagers des bus arrêtés des deux côtés du barrage prennent les choses avec philosophie, comme les chauffeurs routiers qui improvisent le casse-croute sous les remorques : personne ne s’énerve. Sauf l’un des indiens qui engueule ses camarades pour avoir laisser passer les piétons : les bus échangent leurs clients, pour repartir en sens inverse. Une tête de vache est mise à cuire sur une grille, et quelques poissons. Une jeune indienne réalise à l’encre une œuvre d’art sur le bras de Nicole et lui vend une jolie boucle d’oreille de plumes chatoyantes. Dans une maison de terre enfumée du village où l’on m’a entrainé, j’achète avec plaisir deux bouteilles de soda pour désaltérer les manifestants. Ils se laissent photographier avec bonne humeur. Mais la faim nous tenaille, et nous les quittons, en les assurant de la résonnance internationale que nous allons donner à leurs revendications : c’est ce que je fais ici !
A Bom Jardim où nous sommes revenus, nous nous restaurons, « au kilo » aujourd’hui encore, toujours pour quelques reals. Sur la carte Michelin nous cherchons un possible contournement du barrage : une petite route, par Monçao, devrait faire l’affaire, et nous nous retrouvons sur une piste de terre et de sable pour une soixantaine de kilomètres, qui nous fait passer au plus près des plantations de palmiers à huile et par deux ou trois villages isolés. Vers 17h, nous nous posons sous les manguiers, au bord du rio Pindaré.

Jeudi 3 octobre.
A peu de distance de notre campement, nous traversons un village tranquille : la piste s’arrête ici en surplomb du rio Pindaré. Bienheureusement, un bac assure la liaison avec l’autre rive et la ville de Pindaré Mirim. Le marché au poisson y bat son plein, proposant un grand nombre de variétés locales. Nous allons repartir après quelques courses au marché municipal : une voiture de la police militaire s’arrête près de nous et quatre gaillards armés en descendent. Nous discutons - si l’on peut appeler discussion trois mots de portugais mal prononcés, quelques gestes incompréhensibles et des mimiques idiotes – tant et si bien qu’après nous avoir dessiné un croquis pour rejoindre la route de Sao Luis, ils décident ne nous accompagner jusqu’à la sortie de la ville. Quelques minutes après, nous voilà sur la bonne route, non sans que deux d’entre eux nous aient demandé, sans insister, un peu d’argent pour un sandwich ou quelque chose à troquer. Déception, la leur, de ne rien obtenir, la nôtre, de rencontrer déjà la corruption.
La route à deux voies qui mène à Sao Luis, la BR 136, est très dangereuse : les innombrables ralentisseurs se passent à 10km/h mais certains en profitent pour doubler au grand dam de leurs amortisseurs. Avant de dépasser, nous nous posons d’abord la question de savoir s’il est bien raisonnable de risquer sa vie, celle de sa moitié, voir même celle de son chien et celle du camionneur qui arrive en face : le temps de répondre négativement à la question et de se rabattre parce que de toute façon une double ligne jaune interdit le dépassement avant le sommet de côte, les trois voitures qui suivent, sans la moindre visibilité, effectuent la manœuvre interdite sans se poser les mêmes questions. « Deus è fel. » Ben oui, ça le fait.
Nous contournons Sao Luis pour chercher un bivouac sur la plage de Raposa. En fait de plage, nous parvenons à un petit port : pour atteindre la plage, il faut prendre le bateau. De belles dunes de sable blanc nous narguent par-delà le bras de mer. Le propriétaire d’un pick-up nissan flambant neuf a l’air tout content de nous voir arriver et nous ne tardons pas à apprendre qu’il est aussi l’heureux propriétaire – le seul à Sao Luis et sans doute le seul dans tout le nordeste brésilien – de la magnifique cellule amovible qui va avec, et qu’il est allé acheter en Argentine. Il est encore propriétaire d’un gros pistolet qu’il nous exhibe : Il a lui-même été blessé par balle à plusieurs reprises et nous montre les cicatrices des trous : j’hésite à lui monter le mien. L’endroit tranquille où nous nous sommes installés, au calme et loin des réverbères du port, serait mal fréquenté la nuit et nous devrions venir dormir devant chez lui. Nous nous exécutons, plutôt que d’être exécutés et nous mettons sous la protection de son gros pistolet.

Vendredi 4 octobre.
 Dans la nuit, la marée montante est venue lécher les roues d’Euskal-Go, tandis qu’un coq intempestif sonne le réveil toutes les trois minutes à partir de trois heures du matin. Le petit port de pêche  est particulièrement sale. Les poissons sont maintenant des espèces de l’Atlantique. Les pêcheurs ravaudent les filets ou réparent les vieux bateaux de bois. Nous décollons à 8h sans avoir vu notre ami pistoléro. Nous le croiserons sur la route de Sao Luis. Nous finissons par nous garer au bord de la baie, près de la gare fluviale d’où partent les bateaux pour l’île d’Alcantara. Il faut bien avouer que la visite du centre ancien ne nous emballe pas vraiment : quelques belles bâtisses  de style portugais ont bien été restaurées mais la plupart sont dans un état de délabrement avancé. Les azulejos sont très endommagés et sont remplacés, quand ils le sont, avec un sens de l’à-peu-près audacieux. La cathédrale da Sé conserve une certaine allure mais la végétation s’accroche à ses deux clochers blancs. Malgré l’inscription de Sao Luis au patrimoine mondial, la cause semble désespérée. Le quartier commerçant que nous parcourons, au-delà du centre ancien, n’est pas très engageant non plus. Commerces très bas de gamme, chalands nombreux mais socialement défavorisés. La population aisée de Sao Luis réside probablement dans les beaux appartements des grandes tours que l’on aperçoit, de l’autre côté du pont. Nous déjeunons encore dans un restaurant « au kilo » qui nous permet de choisir nos menus sans avoir à déchiffrer longtemps la carte en brésilien et de nous servir en fonction de notre appétit. Après le repas, nous visitons le musée des arts populaires qui présente surtout des costumes traditionnels, de fête, de carnaval, des objets hétéroclites plus ou moins anciens, quelques tambours de bois, des scènes entre religion et superstition, le tout dans une mise en scène vieillotte ? Nonobstant, (pas facile à placer) la visite ne manque pas d’intérêt. Un  tour dans un petit marché touristique termine notre visite et nous reprenons les voitures pour terminer la journée en sirotant des « caïpirinas » en bord de plage, les yeux rivés –pour les messieurs- sur les trésors brésiliens que dévoilent audacieusement le fameux bikini. Les dames commentent. Une délicieuse  baignade dans une eau à 30°c nous ramène à la réalité de nos chairs pâles et vieillissantes au milieu des appétissantes carnations de la jeunesse « marahense ». Etre ou avoir été !
Le  superbe ballet des voiles de kite-surf finit en apothéose sur fond de coucher de soleil sur Alcantara.






1 commentaire:

  1. Un grand merci pour ce récit complet et intéressant, on se croirait à côté de vous !

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